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Jacques le fataliste de Diderot

Résumé et commentaire

Jacques le fataliste et son maître paraît en version allemande en 1792, huit ans après la mort de Diderot, mais de son vivant déjà, le récit, commencé depuis 1765, et sans cesse augmenté d’additions diverses, avait paru par épisodes.

« Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. »

Ce livre a pour sujet les amours de Jacques, qu’il raconte à son maître, mais ce récit est sans cesse retardé, repris, interrompu par telle ou telle digression, et cette conversation chaotique fait tout le génie du roman. Il emprunte à la tradition picaresque*, et Jacques ressemble fort au Panurge de Rabelais. Ce valet annonce aussi, par sa truculence, sa liberté de ton, voire son insolence vis-à-vis de son maître, le Figaro de Beaumarchais. Surtout, Diderot s’inspire du fameux roman anglais de Sterne, qu’il avait rencontré, Vie et opinions de Tristram Shandy. Les digressions diverses ont souvent, outre la peinture de mœurs, une intention satirique. Diderot critique par exemple, comme dans La Religieuse, le principe de la vie monastique.

Le roman, certains même ont parlé d’anti-roman, remet en cause les lois du genre. La narration n’a littéralement ni queue ni tête. Le narrateur, selon les cas, sollicite le lecteur, puis l’oublie, et s’oubliant lui-même, change de sujet. La modernité des procédés met en lumière les conventions arbitraires du genre romanesque*. D’ailleurs, rien n’est si factice et si naturel à la fois que ce roman. On dirait bien un conte itinérant, ou le simple train d’une causerie familière. Le pacte de lecture entre l’auteur et le lecteur est sans cesse redéfini, et cette littérature en campagne est une réflexion spéculaire, c’est-à-dire en miroir, sur ses propres conditions de possibilité. La seule constante en ce roman, encore Jacques ne s’y tient-il pas toujours, est le fatalisme du héros : c’était écrit là-haut.

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