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La condition humaine

1:L’oeuvre

La Chine, jusqu’alors, avait surtout inspiré aux explorateurs des récis exotiques ou méditatifs, respirant le lotus ou l’opium. Ce que décrit Malraux ici, c’est la Chine qui se réveille, c’est la Révolution. Il poursuit la veine de ses écrits antérieurs, et notamment celle des Conquérants. Il a lui même, au cours de ses quatre années passées dans la région, assisté aux premiers soulèvements insurrectionnels, et il entreprend de célébrer la grandeur des héros qui se battent pour la dignité de l’Homme.

Shanghai, 1927. Kyo, Tchen et Katow attendent les renforts des troupes de Chang-Kaï-Shek pour déclencher la Révolution communiste. Mais le général, pour prendre le pouvoir, préfère s’appuyer sur les milieux d’affaires capitalistes, et exige la reddition de ses anciens alliés communistes. Lâchés par l’Internationale communiste, Kyo et ses amis résistent héroïquement, les armes à la main, mais finissent par mourir.

Le roman obéit à une construction dramatique très rigoureuse. Dans les deux premières parties, la grève et l’insurrection sont lancées ; dans la troisième partie, les héros sont abandonnés par l’Internationale ; et dans les deux parties suivantes, les forces de Chang détruisent les résistances communistes, les deux dernières parties conduisant les héros à leur destin funeste. La structure est donc claire, mais elle apparaît mal à la lecture, car l’auteur veut rendre les émotions confuses du moment, le doute, l’incertitude, l’espoir puis l’angoisse et l’horreur.

C’est en quelque sorte la Révolution comme si vous y étiez. Malraux adopte volontiers la manière d’un film documentaire, montrant sur le vif les images et les séquences de l’actualité. Les scènes sont minutées selon l’heure et la date, régulièrement notées. Les décors de jour alternent avec les scènes de nuit. Les plans s’enchaînent avec rigueur, entre descriptions, scènes, dialogues, combats et monologues intérieurs. Le résultat poignant semble authentique.

Mais surtout, bien plus encore qu’une intrigue politique ou historique, le roman est une profonde méditation sur la condition humaine. Il met en scène des hommes qui cherchent leur destin et l’accomplissent jusqu’au bout. Cette exigence donne lieu à des maximes* remarquables : « tout homme ressemble à sa douleur » ou encore « tout homme rêve d’être Dieu ». Le style elliptique, sec et nerveux, rend compte de l’urgence, de l’angoisse ou des combats, mais parfois, Malraux s’abandonne à des pages d’une prose lyrique* éblouissante, visionnaire ou philosophique, qui s’accorde bien à la portée et à la dimension épique* de son ambition.

2:Thèmes et personnages

Les divers personnages du roman incarnent chacun une attitude face à la vie et à l’histoire. Kyo, c’est l’engagement héroïque. Pour ce métis au visage de samouraï, qui est le chef de la Révolution, comme le fut jadis, dans la réalité, Zhou En-Laï, « les idées ne devaient pas être pensées, mais vécues. » « Sa vie avait un sens : donner aux hommes leur dignité. » Il aime une femme, May, active et indépendante ; il aime aussi son père. Mais il n’aime pas moins ce peuple pour lequel il se bat, et pour lequel il donne sa vie.

Tchen, compagnon de Kyo, incarne la tentation du terrorisme. Dans son engagement politique, il découvre une pulsion fantasmatique : « le terrorisme devenait pour lui une fascination ». Ce mysticisme obscur de la destruction, ce désir d’« une extase vers... vers le bas » le pousse à se lancer en kamikaze dans un attentat-suicide, du reste avorté, contre Chang-Kaï-Shek. Katow, c’est l’héroïsme dans l’humilité. Cet homme modeste d’origine russe a déjà connu bien des luttes, et il en a souvent souffert. Avare de mots, il est la générosité même. Il va jusqu’à offrir à d’autres la dose de cyanure qui lui aurait permis d’éviter la mort atroce que lui réservent les gardiens. Il est peut-être le plus humain de tous les héros du roman.

Face à eux se dresse Ferral, la volonté de puissance. Homme dur, comme le suggère son nom, il est le président du consortium franco-asiatique, et en tant que tel, il représente les puissances d’argent, qui s’opposent bien sûr à la Révolution. Il veut dominer, en affaires, en politique comme en amour. Mais son style d’aventurier conquérant et de hussard de l’industrie le perdra auprès des milieux français, dont le soutien financier lui serait nécessaire.

Le baron Clappique est l’homme de l’illusion. Fantasque, inconsistant, « le baron de Clappique n’existe pas », comme il le dit lui-même. Anti-héros bouffon et mythomane, il laisse filer entre ses mains de brouillard le temps qui permettrait de sauver ses amis communistes.

Gisors, le père de Kyo, est le sage qui cède aux mirages de l’opium. Il est le miroir où viennent se refléter tous les personnages du récit, qui veulent se confier à lui. Reste enfin Kama, le peintre, figure de l’art, qui permet de « communier même avec la mort... »

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