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André Gide

1:Sa vie

L’enfance de Gide fut marquée par l’éducation austère et religieuse qu’il reçut de sa mère. Après ses études à l’École Alsacienne, il fréquente les milieux littéraires, Mallarmé, Pierre Louÿs, son condisciple, Oscar Wilde et Valéry. L’influence symboliste transparaît dans ses premiers ouvrages, Les Cahiers d’André Walter, recueil de poésie en prose, en 1891, Le Traité du Narcisse et La Tentative amoureuse ou le traité du vain désir en 1893, et deux ans plus tard, il épouse Madeleine Rondeau. Un voyage de convalescence en Algérie lui permet de se dépouiller des conformismes de la vieille société, pour retrouver la ferveur au spectacle de la nature. L’hédonisme* qui s’exprime ainsi dans Les Nourritures terrestres en 1897 enthousiasme toute une génération. Mais cette liberté individualiste est tempérée par l’inquiétude des œuvres à venir : le drame de Saül écrit en 1898, le conte philosophique du Prométhée mal enchaîné en 1899, et surtout L’Immoraliste en 1902 et La Porte étroite en 1909.

En 1908, Gide fonde avec Copeau et Jean Schlumberger la Nouvelle Revue Française, mais ne néglige pas son œuvre pour autant. Explorant les chemins et les limites de la liberté, il met en scène en 1914, dans Les Caves du Vatican, le héros de l’acte gratuit, Lafcadio, qui tue arbitrairement un homme pour se prouver sa liberté. Puis il publie La Symphonie pastorale en 1919. Alors que la jeunesse d’après guerre se tourne vers André Gide et ses héros, la publication en 1926 de Si le grain ne meurt, récit autobiographique, et de Corydon, une apologie de la pédérastie, déclenche « la croisade des longues figures » et de la bourgeoisie bien-pensante. Mais Les Faux-Monnayeurs consacrent définitivement le génie et la réputation de l’auteur.

Libéré enfin des contraintes qui pesaient sur lui, Gide peut alors s’engager dans l’actualité sociale et politique, qui sollicite sa collaboration. D’un séjour en Afrique noire, il rapporte son Voyage au Congo, où il dénonce, non sans effet, le colonialisme. Il prend position contre les institutions capitalistes, religieuses et familiales, dont il met en évidence le caractère aliénant. Porté par un idéal humaniste, il sympathise avec le communisme. Mais après un séjour en U.R.S.S., il est l’un des premiers en France à dénoncer les excès dogmatiques du régime, dans son Retour de l’U.R.S.S. Les deux dernières œuvres de l’auteur, Œdipe et Thésée surtout, semblent un testament littéraire, et c’est l’homme, tout autant que l’œuvre, que le Prix Nobel consacre en 1947. Les hommes de son temps ont su le reconnaître : il est pour eux « le contemporain capital ».

2:Son oeuvre

L’œuvre d’André Gide est marquée par l’égotisme*, cette tendance à l’introspection, signe d’un réel effort de sincérité, car Gide ne hait rien tant que le mensonge et l’hypocrisie. De ses origines protestantes, sans doute, il a gardé cette habitude de l’examen de conscience, qui fait de lui un homme vrai et authentique. Ce tempérament, le gidisme, apparaît en particulier dans L’Immoraliste, Si le grain ne meurt et dans son fameux Journal. Cette lucidité consciente de ses faiblesses, et de ses exigences, interroge sans cesse sa liberté, car dit l’auteur, « Je suis un être de dialogue ; tout en moi combat et se contredit. » Mais loin de tout narcissisme, la quête du moi débouche sur autrui.

L’engagement dans le monde est déjà perceptible dès Les Nourritures terrrestres. Prônant le déracinement, l’auteur de ce nouvel évangile enseigne la ferveur pour « aimer sans s’inquiéter si c’est le bien ou le mal », pour « assumer le plus possible d’humanité. » La libération enfin obtenue, encore faut-il la mettre au service d’une fin bonne, et non comme Lafcadio, au service gratuit de sa propre et meurtrière exaltation. Gide se bat pour une meilleure justice dans ses Souvenirs de cour d’assises. Il s’engage activement sur tous les terrains, tout en réservant son indépendance d’esprit. Corydon est, dit-il, « le plus important de mes livres », mais il défend, outre la pédérastie, toutes les libertés fondamentales de l’individu, menacées par les doctrines et les systèmes, colonialisme, christianisme, communisme. Il assume, courageusement et volontairement, la « fonction d’inquiéteur ». La vérité de son œuvre coïncide avec celle de sa vie.

Art et morale répondent dans son œuvre à cette même exigence de rigueur et de vérité. Oscillant toujours entre les aspirations sensuelles et spirituelles, l’auteur évolue du symbolisme des premières œuvres au classicisme, presque, de L’Immoraliste, en passant par le lyrisme des Nourritures. Toutefois, la tendance majeure de Gide dans ses récits est à l’ironie et à la critique, critique du mysticisme, du romantisme, de l’individualisme, et même, en un sens, du romanesque*, dans Les Faux-Monnayeurs, où il réfléchit sur l’art du roman. Gide vieilli pouvait alors dire comme son héros, Thésée : « C’est consentant que j’approche la mort solitaire. J’ai goûté des biens de la terre. Il m’est doux de penser qu’après moi, grâce à moi, les hommes se reconnaîtront plus heureux, meilleurs et plus libres. Pour le bien de l’humanité future, j’ai fait mon œuvre. J’ai vécu. »

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