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Les mémoires d’Hadrien

1:L’auteur, Marguerite Yourcenar

Marguerite Yourcenar, anagramme de son vrai nom, Marguerite de Crayencour, naît à Bruxelles, d’une mère belge, qui meurt quelques jours à peine après l’accouchement, et d’un père français, qui doit pourvoir seul à l’éducation de sa petite fille. Il l’emmène avec lui dans ses nombreux voyages, et encourage son goût naissant pour les humanités.

Elle s’engage dans une carrière de romancière, et publie : Alexis ou le Traité du vain combat en 1929, La Nouvelle Eurydice en 1931, le Denier du rêve en 1934, Le Coup de grâce en 1939, les Mémoires d’Hadrien, son chef-d’œuvre, en 1951, confirmé par L’Œuvre au noir, en 1968, Souvenirs pieux en 1974 et Archives du Nord, en 1977. Mais elle publie aussi des essais : Sous bénéfice d’inventaire en 1962 et Le Temps, ce grand sculpteur en 1983 ; des nouvelles : La Mort conduit l’attelage (1935) ; des poèmes en prose et en vers : Feux en 1936 et Les Charités d’Alcippe en 1956, et enfin, des recueils de negro-spiritual comme Blues et Gospels en 1984. À partir de 1950, elle s’installe aux États-Unis, où elle demeure avec sa compagne, Grace Fricks. Reconnue, célébrée, Marguerite Yourcenar a été la première femme reçue à l’Académie française en 1980.

Passionnée par l’histoire, elle fait revivre l’antiquité dans les Mémoires d’Hadrien, la Renaissance dans L’Œuvre au noir, l’Italie mussolinienne dans Denier du rêve, et considérant sa propre généalogie dans Le Labyrinthe du monde, elle aboutit à une méditation sur les origines du monde. Les conditions historiques, retracées parfois avec quelque érudition, évoquent les mystères du passé, dont elle tente de tirer une sagesse humaniste et universelle.

À travers son œuvre, Marguerite Yourcenar réfléchit sans doute à sa condition, et c’est pourquoi l’homosexualité est au cœur de ses romans : Alexis ou le Traité du vain combat, Le Coup de grâce, Mémoires d’Hadrien, L’Œuvre au noir. Cette sensibilité, du reste, n’est sans doute pas étrangère au choix des auteurs qu’elle traduit, remarquablement d’ailleurs, les romanciers anglais, Virginia Woolf, Henry James, et les poètes grecs Pindare, Constantin Cavafy.

La clarté et l’élégance précise de son style parviennent à une émotion réelle. La maîtrise d’une langue ferme et délicate donne toujours le sentiment authentique d’une lucidité exigeante : sans emphase ni lourdeur, Marguerite Yourcenar retrouve dans son œuvre le meilleur de l’esprit classique.

2:Les mémoires d’Hadrien

Les Mémoires d’Hadrien retracent le parcours de ce grand empereur romain, qui vécut de 76 à 138 de notre ère. Marguerite Yourcenar entend ainsi « refaire du dedans ce que les archéologues du xixe siècle ont fait du dehors ». Elle travaille donc avec « un pied dans l’érudition, l’autre dans la magie, ou plus exactement, et sans métaphore*, dans cette magie sympathique qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un ».

Conformément au genre des mémoires, Hadrien relate les événements auxquels il a assisté ou participé. Ayant accompagné son cousin, l’empereur Trajan, dans ses campagnes militaires, il rapporte de cette époque les circonstances qui l’ont marqué. Lui-même, empereur à son tour, a préféré renoncer aux « conquêtes dangereuses » et hasardeuses, pour garantir les frontières de l’Empire, construire ports, aqueducs et bibliothèques, voyageant sans cesse à travers les provinces pour maintenir l’ordre et la justice, « collaborer avec la terre », « collaborer avec le temps », et faire régner Humanitas, Felicitas, et Libertas.

Mais, dans la mesure où le mémorialiste s’arrête longuement aux circonstances de sa vie privée, il s’agit aussi d’une autobiographie fictive : comme l’indique Yourcenar, c’est « le portrait d’une voix ». Hadrien évoque son goût pour la chasse, la culture grecque, l’astronomie et l’astrologie. Éloigné de tout ascétisme comme de tout hédonisme*, il a recherché un juste bonheur dans l’exercice de ses fonctions. Il évoque quelques liaisons avec des femmes, son amitié pour Plotine, l’épouse de Trajan, mais surtout sa passion pour Antinoüs, le jeune berger qu’il a pris pour amant – « ce beau lévrier avide de caresses et d’ordres se coucha sur ma vie » – et dont la mort prématurée a fait son désespoir.

Le roman est enfin un testament, l’épître* qu’adresse Hadrien à son successeur, Marc Aurèle, car, dit-il, « je commence à apercevoir le profil de ma mort ». Sans peurs ni espérances inutiles, Hadrien considère les matériaux pêle-mêle de sa vie, pour en tirer éventuellement une leçon, pour lui, son successeur, et les siècles à venir : « Je compte sur cet examen des faits pour me définir, me juger peut-être, ou tout au moins pour me mieux connaître avant de mourir. » Et il conclut son ouvrage en toute dignité : « Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts... »

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