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Locke : La propriété, le travail, l'Etat

Nous nous intéresserons à la pensée politique de Locke, laissant de côté sa philosophie empiriste de la connaissance. On doit lire Locke en se souvenant de Hobbes, à qui il répond en quelque sorte. L’ordre politique doit moins rompre avec l’état de nature qu’il ne doit le protéger, le rendre viable. Locke apparaît ainsi comme le théoricien de l’individualisme et des droits de l’homme.

1. Du travail à la société

A. Les droits de l’homme

L’homme, avant toute institution politique, a des droits, qui découlent de sa nature. Il a le droit de vivre et de subvenir à ses besoins. Pour cela, il met en œuvre ses capacités: il travaille. Or, chacun étant propriétaire de soi-même, chacun l’est aussi du fruit de son travail, où il a mis de lui-même. Sans le droit de propriété*, fondé sur le travail, le droit de vivre ne serait qu’un vain mot.

La propriété est originairement individuelle, et non sociale. Elle n’est donc pas soumise à des limites, comme chez saint Thomas. C’est bien plutôt l’ordre social qui doit respecter son libre essor. La propriété des uns n’appauvrit pas les autres mais, par la fructification et ses retombées, elle enrichit tout le monde. Les hommes sont tous libres de travailler, de poursuivre l’exploitation de la terre, et d’accumuler des propriétés. C’est cette identique liberté qui fait leur égalité en droit.

Pour faciliter l’accumulation des biens, les hommes décident par convention de la création de la monnaie, équivalent universel; le commerce se développe, le lien travail-propriété n’est plus aussi direct.

B. L’ordre naturel de l’économie

Ainsi naissent des relations d’échange entre les hommes, essentiellement économiques. Ce réseau de contrats privés, c’est la société. Elle devrait être régie par la loi de nature, la loi morale gravée par Dieu dans le cœur des hommes, qui ordonne de respecter les droits de chaque individu: liberté d’agir, égalité dans les contrats, propriété.

La justice sociale consiste à garantir la propriété. Elle est réalisée quand les échanges sur le marché sont faits avec le consentement des parties.

On voit que l’état de nature est viable, à la différence de ce qu’en pensait Hobbes. Mais alors, pourquoi l’État? C’est que l’état de nature tend à devenir un état de guerre. La loi de nature devrait le régler, mais il se trouve toujours des hommes pour l’enfreindre. Et si chacun devient juge et partie, usant lui-même de son droit de punir, c’est le désordre qui menace. Il faut donc instaurer un ordre impartial.

2. La politique au service de la nature

A. Le gouvernement civil

L’entrée dans l’état civil* s’effectue par un contrat passé entre les hommes. Ce n’est ni un contrat d’association, puisque la société est naturelle, ni un contrat de soumission, puisque tous y sont égaux.

Chacun renonce seulement à se faire justice soi-même. L’état de nature n’est pas abandonné, mais se continue sous une forme différente. Il trouve un cadre légal, qui l’empêche de s’autodétruire.

En vue de préserver la propriété mise en danger, le but premier de l’institution politique est de définir le droit et de le faire appliquer légalement, sans arbitraire, y compris au souverain. Chacun doit pouvoir participer à l’élaboration des lois ainsi qu’à leur promulgation. Cela peut se faire éventuellement par l’intermédiaire de représentants. La liberté de décider n’est donc pas abandonnée, mais simplement exercée en commun dans une assemblée législative.

B. Le pouvoir exécutif et le droit de résistance

Seul est abandonné absolument par les citoyens leur droit de punir. Il est entièrement confié au pouvoir exécutif, chargé de réaliser la volonté législative, éventuellement par la contrainte physique.

L’exécutif est soumis au législatif, il n’est pas la source légitime de la souveraineté, mais son instrument. Moins digne en droit, il est puissant en fait, car il dispose d’une certaine latitude pour agir dans les cas particuliers, dans l’urgence, et faire face aux impondérables. C’est le paradoxe de l’exécutif: subordonné, il tend à la primauté.

Contre les possibles excès d’un exécutif emporté par son propre poids, faisant un usage discrétionnaire de sa prérogative de puissance publique, le citoyen, qui n’a jamais aliéné son droit à la liberté, dispose d’un droit de résistance, inscrit dans la Constitution. L’État existe pour les individus, la société n’a jamais cherché en lui qu’un moyen.

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