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La tragédie classique

1 Formation de la tragédie classique

1.1 Aux origines de la tragédie classique : la tragédie antique

Aux XVI-XVIIème siècle, la tragédie reste fortement marquée par l'héritage antique. Le ton est empreint d'un grand lyrisme. On note la présence de chœurs déplorant longuement la catastrophe ; toutefois, en général, la pièce ne comporte pas de véritable action tragique. La représentation est axée moins sur l'action que sur l'émotion.

C'est le pathétique qui domine, avec le spectacle douloureux du malheur des héros et les accents déchirants de leurs plaintes.

1.2 Crise de la tragédie

Vers 1620 -1634, la tragédie paraît menacée par deux genres intermédiaires, la tragi-comédie et la pastorale.

La tragi-comédie est une tragédie qui finit bien. C'est surtout une tragédie romanesque : l'amour y tient une grande place, les péripéties abondent et les scènes familières succèdent aux scènes tragiques. La tragi-comédie se soucie, en général, assez peu de la règle des unités.

La pastorale, quant à elle, est une idylle entre bergers et bergères, dans un cadre champêtre. Leurs amours longtemps contrariées, sont finalement victorieuses.

L'analyse psychologique y tient une grande place. On voit donc que, depuis la fin du XVIème siècle, le théâtre tend à s'écarter de la règle des unités et de la vraisemblance, sur les sentiers du romanesque, de la fantaisie et de l'imagination.

1.3 Le renouveau

C'est aux alentours de 1630 - 1635 que la tragédie va connaître un renouveau et tâcher de redéfinir son identité, par rapport à la tragédie antique d'une part, par rapport aux genres intermédiaires d'autre part.

On assiste, à la veille du Cid, à une floraison de tragédies ( Sophonisbe de Mairet, La mort de Mithridate de la Calprenède, La mort de César de Scudéry,...) en réaction à la vague tragi-comique. Il s'agit de tragédies austères dont l'intrigue est simple et le sujet emprunté à l'histoire romaine ; les règles (unités et bienséances), remises à l'honneur par Mairet, y sont respectées.

La nouvelle tragédie se distingue aussi bien du dramatique (attente anxieuse du dénouement) que du pathétique (spectacle douloureux du malheur des héros). Le tragique, s'il intègre ces éléments, les dépasse toutefois et la tragédie classique se fonde essentiellement sur la lutte de l'homme contre son destin ; il tient sa grandeur du mystère de la condition humaine, tel qu'il s'exprime dans le paroxysme d'une crise.

2 Les règles de la tragédie classique

2.1 La règle des trois unités

  • unité d'action : des trois unités, elle est la moins controversée. Elle stipule que l'intérêt doit être centré sur une seule intrigue, dépouillée de tout épisode secondaire. Cette règle a pour corollaire l'unité de ton : le dramaturge évite tout mélange des genres, d'où l'absence d'intermèdes comiques dans la tragédie
  • unité de lieu : l'action doit se dérouler dans un lieu unique. Il s'agit de la règle d'unité la plus difficile à respecter et, parfois, les auteurs la déjoueny en étendant le cadre de l'action à une ville entière
  • unité de temps : l'action doit se dérouler en un jour, en 24 heures, certains ajoutent du lever au coucher du soleil. Des 3 unités, celle-ci est, sans conteste, la plus invraisemblable et, par conséquent, la plus controversée.

2.2 Les récits

Beaucoup d'actions ne peuvent être représentées sur scène, soit qu'elles contreviennent à l'unité de lieu, soit qu'elles contreviennent aux bienséances. Il convient donc de recourir au récit pour conter ces actions, au risque d'ennuyer le spectateur ou de briser le mouvement de l'action. Pour déjouer ce risque, les Classiques soignent tout particulièrement ces morceaux. Ils animent les récits de façon à donner l'illusion de l'action ; bien souvent, le ton prend un caractère épique.

Parfois, l'auteur donne la parole, non à un messager quelconque, mais au héros de l'action.

Souvent enfin, il ménage un effet de suspense et met l'action sur la réaction des auditeurs

2.3 Les bienséances

La tragédie met en scène des héros et des rois. Le ton doit donc constamment y être empreint de dignité, de gravité, de noble discrétion et de solennité. Sont exclus de la tragédie tout réalisme vulgaire, tout mot familier. On privilégie l'usage de la litote et de la périphrase. Le respect des bienséances va plus loin encore puisqu'il interdit que le sang soit versé sur scène. Sont donc prohibés la représentation de combats, de duels et de suicides.

3 Figures maîtresses de la tragédie classique : Corneille et Racine

3.1 Le système cornélien

Corneille, à travers ses pièces (Le Cid, Cinna, L'Illusion Comique...) a nourri une abondante réflexion sur la tragédie classique et a défini les caractères qui lui semblent devoir être les siens :

  • l'action doit être complexe, illustre (le sujet en est le plus souvent un épisode célèbre emprunté à l'histoire ou la légende), extraordinaire (au risque d'être jugée peu vraisemblable), et sérieuse. Corneille donne sa préférence aux tragédies politiques et aux passions nobles. L'amour ne tient, dans son oeuvre, qu'une place secondaire.
  • le héros est un être fier, guidé par la recherche de la gloire, qui est une forme passionnée de l'honneur. Le héros cornélien a une haute idée de ce qu'il est et de ce qu'il se doit. Il aspire à la plus complète réalisation de lui-même
  • le conflit qui déchire le héros cornélien traduit les obstacles qu'il rencontre sur le chemin de la grandeur. Il ne pourra se heurter qu'en surmontant la crise morale qui l'accable. C'est, le plus souvent, à l'amour que se heurte l'honneur, et le dénouement voit généralement la sublimation de la passion amoureuse dans le renoncement. L'honneur est ainsi préservé.

3.2 Le système racinien

Quoique globalement comparable au système cornélien, le système racinien s'en distingue par des points de détail :

  • l'action est empruntée à la légende ou à l'histoire. Racine prône une grande fidélité aux sources et un grand respect de la vraisemblance. L'action racinienne se veut "simple et chargée de peu de matière". Elle se signale par ses qualité d'unités et de netteté
  • le héros racinien est tout en sentiments et en passions. Son analyse psychologique est très fouillée. L'intérêt est porté sur ses incertitudes et sur la progression de ses sentiments. Pour Racine, l'amour est la passion tragique par excellence, un amour irrésistible, égoïste et, surtout, impossible
  • le conflit vient de l'impossibilité de cet amour qui donne naissance à la jalousie et, parfois, se transforme en haine. Il conduit à la perte des amants comme des aimés : la haine triomphe dans le crime, l'amour dans le suicide.

D'où une atmosphère parfois pesante où se mêlent tendresse et cruauté.

Pièces de Racine : Phèdre, Britannicus, Andromaque, etc.

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