Fiches de Cours > Lycée > Français > Le Moyen Age et la quête du Je

Le Moyen Age et la quête du Je

1:Introduction

À partir du xive siècle, les auteurs semblent être en quête de leur propre identité poétique qu’ils affirment plus volontiers à travers leurs œuvres. Ils manifestent, ce faisant, non pas un moi psychologique que révélerait telle ou telle prétendue confidence, mais bien plutôt une inquiétude quant à la place du sujet face à autrui et face au monde, qui s’exprime par le lyrisme et par la réflexion, ou mieux, la réflexivité.

2:Le lyrisme

Le lyrisme de ce temps est bien souvent une remise en cause implicite du code de la courtoisie. La Belle Dame sans mercy que présente Alain Chartier laisse mourir d’amour son amoureux. Les pièces lyriques* d’un Guillaume de Machaut semblent tirer prétexte de l’amour pour exposer le bonheur si varié de son art, de ses allégories*, de ses rondeaux* et ballades*. Quant aux Cent ballades d’amant et de dame de Christine de Pisan, elles adoptent un point de vue à bien des égards inverse mais symétrique de celui de Chartier, puisque cette fois, c’est la dame qui, victime de son amant déloyal, se laisse mourir pour l’amour de lui.

La poésie de cette époque met à l’honneur des genres jusqu’alors peu pratiqués. Outre le dit ou le ditié, le virelai, le chant royal, le siècle est à la ballade* et au rondeau*. La ballade, à l’origine, une chanson à danser, devient bientôt une forme fixe, dont les strophes à même schéma de rimes se terminent toutes par un refrain, avec un envoi* à la fin. Le rondeau, forme plus nouvelle, est lui aussi un genre lyrique* à structure fixe où se répète un vers de façon récurrente.

Ces formes poétiques serviront à merveille le style délicat de Charles d’Orléans. Prince et poète, il dépose dans ses vers une émotion discrète, sans doute liée à telle ou telle impression fugitive et mélancolique de son existence : « Je suis celui au cœur vêtu de noir. » Chez François Villon, en revanche, l’inspiration lyrique* et les allusions plus ou moins biographiques se mêlent de détails grivois tout au long de ses ballades*.

3:Réflexion et réflexivité

Dans la lignée du Roman de la Rose de Jean de Meung, la littérature prend souvent, en cette fin troublée du Moyen Âge, un tour didactique et moral : elle envisage la place problématique du sujet dans le monde. Tel est l’objet du Quadriloge invectif d’Alain Chartier où quatre allégories*, la France, le Peuple, le Chevalier et le Clergé débattent des malheurs du temps. Un même esprit anime Christine de Pisan en ses Livre de mutacion de Fortune, Livre du corps de Policie et Lamentations sur les maux de la guerre civile.

Les circonstances politiques, les calamités publiques, et plus simplement peut-être l’évolution des sensibilités amènent d’autres auteurs, sans forcément se détourner des affaires du monde, à célébrer dans le langage le langage lui-même : les Grands Rhétoriqueurs* comme Jean Meschinot et Jean Molinet font de leur poésie une fête du verbe, un champ d’expériences, et ils cisèlent, comme des joailliers, des trésors ludiques ou allégoriques de beauté formelle. De la sorte, le langage devient le vain miroir du monde, et cependant, peut-être, la seule image vraie du je sujet qui se dissout en lui.

Les formes lyriques*, ballades*, rondeaux*, virelais, et surtout chants royaux, sont repris avec virtuosité. Ces poètes utilisent aussi fort souvent le prosimètre, qui consiste à mêler vers et prose, selon la diversité savante des effets à produire. Surtout semble spectaculaire le jeu des rimes auquel se livrent parfois les Rhétoriqueurs*, léonines, couronnées, équivoquées, batelées, rétrogrades, serpentines, ou combinées. Mais à l’aube de la Renaissance où la notion d’individu trouve enfin un plein accomplissement, la littérature en quête n’a pas encore, à l’évidence, réglé le statut du sujet dans son œuvre et dans le monde.

xs
sm
md
lg