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Jean Racine

1:La vie de Jean Racine

Jean Racine naît à La Ferté-Milon en 1639. À trois ans, il se retrouve orphelin de père et de mère. Il est recueilli par ses grands-parents, et confié aux bons soins des maîtres jansénistes de Port-Royal, où il apprend le grec et le latin. Envoyé à Paris pour y poursuivre ses études, il se sent plutôt attiré par la vie mondaine et les galanteries. Les premiers essais dramatiques semblent infructueux, mais conseillé par La Fontaine, et se liant avec Boileau, il figure sur la première liste officielle des gratifications instaurées par le roi.

En 1664, Molière accepte de monter La Thébaïde ou Les Frères ennemis. L’année suivante, Racine confie son Alexandre, à une troupe rivale, et connaît déjà un réel succès. Mais les jansénistes condamnent la pratique théâtrale qui, selon eux, empoisonne et corrompt les mœurs du public, en lui donnant le goût des passions funestes. En 1667, le triomphe d’Andromaque fait de lui le rival de l’illustre Corneille. Il a ses entrées à la cour, et jouit des faveurs du roi. En 1668, Racine crée Les Plaideurs, comédie satirique, pour amuser la Cour, mais il revient bientôt au genre tragique. Les succès se suivent : Britannicus en 1669, Bérénice en 1670, Bajazet en 1672, Mithridate en 1673, Iphigénie en 1675, Phèdre en 1677. Racine, supplantant Corneille dans la faveur du public, se consacre comme le maître de la tragédie classique française. Le roi lui-même impose son élection à l’Académie française en 1673, et malgré la polémique soulevée par Phèdre, Racine est nommé avec Boileau, suprême honneur pour un poète de son rang, historiographe du roi.

En 1677, le poète se réconcilie avec Port-Royal, et se marie.

Il accompagne Louis XIV dans ses campagnes militaires. Mme de Maintenon lui commande pour les jeunes filles de l’institution de Saint-Cyr deux pièces religieuses, Esther en 1689 et Athalie en 1691. Ces circonstances font de lui un familier du roi, et il devient gentilhomme ordinaire de la chambre royale. Dans ses dernières années, Racine se rapproche encore de Port-Royal, et compose une histoire du mouvement. Lorsqu’il meut en 1699, il est enterré à Port-Royal, près de ses anciens maîtres, comme il l’avait souhaité.

2:L’univers racinien

Les tragédies de Racine constituent un univers homogène, dont Roland Barthes, dans son essai stimulant Sur Racine a analysé les structures récurrentes et les ressorts particuliers. Parmi les héros raciniens, les pères, autorités suprêmes, sont prêts à tuer leurs enfants au besoin : Mithridate, Agamemnon, Thésée, par exemple. Les fils, frères ennemis, s’entredéchirent : Etéocle et Polynice, Bajazet et Amurat, Britannicus et Néron. Les femmes, aimées ou amoureuses, sont des êtres de désir impossible : Andromaque, Phèdre, Bérénice. Tels sont les ferments de tragédies familiales dont la dimension politique n’est jamais occultée. Mais c’est la passion qui est la matière principale des tragédies de Racine. Tendre et élégiaque est l’amour qui unit Junie et Britannicus, Monime et Xipharès, Atalide et Bajazet. Violent et destructeur est celui qui ronge Hermione, Roxane et Phèdre. De toutes façons, partagé ou non, l’amour est toujours funeste, il fait le malheur des héros de Racine.

La dramaturgie racinienne est au service de cette vision tragique de l’homme. L’intrigue, classique, impitoyable, conduit l’action de l’exposition jusqu’à la catastrophe finale, en général la mort. Sur la scène, une anti-chambre, un huis-clos étouffant, dont on ne sort jamais. Hors scène, une chambre royale, lieu du Pouvoir, secret, invisible, terrifiant. De l’autre côté, une illusoire échappée, la mer, la liberté, et en réalité la mort. L’espace est un lieu de terreur : le temple dans Athalie, le sérail dans Bajazet. Le temps n’est que la forme ralentie du destin. En effet, une fatalité antique semble peser sur tous ces personnages. Si le héros cornélien est un être de volonté, qui croit encore à sa liberté, le héros racinien est un être de passion, voué à un sort funeste. C’est sans doute l’influence du jansénime et de la doctrine de la prédestination. Phèdre surtout semble abandonnée de Dieu, privée de grâce, condamnée au péché.

Mais la violence et la cruauté sont estompées par les images, la musique et la poésie des vers. Les scènes se jouent souvent dans un clair-obscur qui séduit. Un critique, Léo Spitzer, évoque « l’effet de sourdine » que produit le style de Racine. C’est une poésie dense, riche et discrète à la fois. L’amour se coule dans des métaphores précieuses, les « flammes », ou dans des euphémismes* délicats : « Il a su me toucher ». Les pluriels poétiques, l’élégance des mots choisis, font de Racine, sans doute, le plus grand poète de son siècle.

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