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L'essai et la critique littéraire

1:Les premiers essais littéraires

Les premiers essais littéraires s’intéressent surtout à la langue. Au xvie siècle, l’humaniste Budé publie des Commentaires sur la langue grecque, Étienne Dolet explique La Manière de bien traduire d’une langue en autre, et Joachim Du Bellay tente de promouvoir la langue et la littérature françaises dans sa Défense et Illustration de la langue française. Un siècle plus tard, Vaugelas publie ses fameuses Remarques sur la langue française, dont il entend régler les usages, et au xviiie siècle, Dumarsais édite un Traité des tropes, ou figures de style. C’est que la langue est un enjeu majeur. De l’édit de Villers-Cotterêts que prononce François Ier au Rapport sur la langue française de l’abbé Grégoire, elle apparaît comme l’instrument politique privilégié pour un État qui entend unifier et ordonner la société civile.

Seul parmi tous, Montaigne donne à ses Essais une ambition plus grande, car il en fait le laboratoire de ses pensées, rêveries et méditations variées, en toute liberté. De la sorte, le monde entier vient se refléter dans sa prose accueillante, les hommes, leurs idées, leurs écrits, leurs coutumes, leurs errances, et peu à peu, se dessine en creux le portrait d’un homme que l’expérience et la vie ont formé, non sans épreuve, à la sagesse humaine.

2:Naissance de la critique littéraire

À partir du xixe siècle, les essais littéraires s’intéressent davantage à la littérature elle-même. C’est la naissance de la critique littéraire. Jusqu’alors, les écrits hésitaient entre les commentaires éparpillés (Malherbe) ou les traités normatifs (l’abbé d’Aubignac), reposant tous sur le postulat classique très contestable d’un Beau universel. Or, avec la querelle des Anciens et des Modernes, l’idée d’une évolution nécessaire des formes, bien sûr, mais aussi des goûts, se fait progressivement jour.

Mme de Staël publie en 1800 un essai De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, où elle met en évidence les interactions entre les mœurs et les arts. Avec Sainte-Beuve, la critique littéraire devient véritablement une pratique autonome. Il cherche à comprendre les œuvres en fonction des auteurs, ce qui, à l’époque, est une nouveauté, mais aussi bien en fonction du milieu social et moral de cet auteur, une démarche brillante qui donne lieu aux Causeries du lundi.

La critique positiviste, qui s’oppose à Sainte-Beuve, prolonge en fait son entreprise. Mais elle se veut moins intuitive, et plus méthodique. Hippolyte Taine prétend ainsi analyser avec objectivité la « faculté maîtresse » d’un auteur, puis examiner les conditions particulières (la race, le milieu, le moment) qui président à la composition de ses œuvres. Ferdinand Brunetière tente même de mettre au point une « science critique », en proposant, à la lumière de Darwin, une classification des genres littéraires, qui n’évite pas toujours le dogmatisme moral.

Loin des doctrines et des systèmes, Émile Faguet et Gustave Lanson mettent au point une critique d’érudition, qui se fonde sur une analyse rigoureuse et précise des textes, mais où le jugement de goût trouve cependant sa place. Sous cette influence nouvelle, l’enseignement des lettres, abandonnant la rhétorique*, passe désormais par l’histoire littéraire.

3:La critique littéraire au Xxème siècle

Contre les prétentions scientifiques ou philologiques* des uns et des autres, se développe une critique de sympathie, plus impressionniste, qui, retrouvant les leçons de Baudelaire, s’attache essentiellement à restituer le plaisir des œuvres. À ce mouvement appartiennent Anatole France, et dans une certaine mesure, Albert Thibaudet, et Marcel Proust, qui écrit même un essai Contre Sainte-Beuve, où il distingue le moi social de l’auteur de son moi poétique.

La tendance la plus remarquable du siècle, cependant, réside dans l’application des méthodes des sciences humaines à la critique littéraire. Ainsi, reprenant la psychanalyse freudienne, Charles Mauron fonde la psychocritique, Lucien Goldmann, utilisant les méthodes de la sociologie, pratique la sociocritique, tandis que Roland Barthes, recueillant l’appareil théorique de la sémiologie, science des signes, et de la linguistique, science du langage, engage toute cette « nouvelle critique » dans une virulente polémique, où elle s’oppose aux tenants de la critique traditionnelle et philologique*.

Aujourd’hui, il semble que la critique hésite entre trois tentations, sans doute complémentaires. La critique thématique, de Georges Poulet, Jean-Pierre Richard ou Jean Starobinski, la critique philosophique, illustrée par Maurice Blanchot, Tel Quel ou Julia Kristeva ou la critique formaliste de Gérard Genette ou Tzvétan Todorov.

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