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Don Juan

1:Analyse dramatique

Pièce en cinq actes et en prose, Dom Juan raconte les amours et la chute du héros éponyme. Don Juan est présenté dès l’exposition par Sganarelle comme un libertin* volage et inconstant. Il délaisse Elvire, son épouse, pour quelque autre belle récemment aperçue. À l’acte II, ses désirs, un moment contrariés, se reportent sur deux paysannes. Mais les frères d’Elvire, déshonorée, le poursuivent à l’acte III. À l’acte IV, Don Juan repousse M. Dimanche, son créancier, les sermons de Don Louis, son père, et les prières d’Elvire qui l’engage à se convertir. Or, survient la statue du Commandeur, que Don Juan a jadis tué, et naguère invité, en manière de plaisanterie. À l’acte V, Don Juan tente de tromper le monde par sa feinte conversion, et se moque bien des avis du ciel. Mais la statue du Commandeur revient, et l’engloutit dans les flammes de l’enfer.

La pièce, manifestement, n’obéit pas aux règles de la dramaturgie classique. L’action se déroule en plus d’un jour, en plusieurs lieux, et d’ailleurs, il semble qu’il y ait plusieurs intrigues à la fois. La pièce frappe par sa diversité, mais tous les fils se rejoignent à la fin pour condamner à mort le héros malheureux. Dom Juan peut apparaître comme une pièce baroque*. De plus, les éléments de farce y sont nombreux : ce sont ces jeux de scène, soufflets, cris et chuchotements que signalent les didascalies*, ce style bas et familier, ces procédés de répétition burlesque*. Les éléments de tragédie aussi : les suppliques nobles et pathétiques qu’adressent à Don Juan Done Elvire et Don Louis, la présence du destin, le spectre de la fin, la statue du Commandeur et la mort du héros. Entre farce et tragédie, cette pièce extraordinaire se présente aussi comme une comédie d’intrigue et de mœurs. Les rebondissements et aventures sont légion, et mettent en relief le caractère de ce « grand seigneur méchant homme ».

2:Thème et personnage

Autour de Don Juan gravitent de nombreux personnages. Don Louis incarne la figure du père. Loin d’être le stéréotype grossier et ridicule qui, dans la comédie, s’oppose d’ordinaire aux amours du jeune héros, il apparaît ici comme un personnage noble et plein de dignité, rappelant à son fils les valeurs familiales et féodales de l’honneur. Done Elvire incarne elle aussi la vertu, mais au féminin. Arrachée du couvent, épousée puis aussitôt délaissée par Don Juan, elle figure l’amour blessé. Elle cherche d’abord à se venger puis, éclairée par le Ciel, elle pousse Don Juan à se convertir, avant de rentrer elle-même dans un couvent. Ayant connu la tentation et le péché, Elvire a pu sublimer son amour profane en charité divine : c’est un itinéraire de la chute à la grâce. Sganarelle est un personnage plus difficile à cerner. Il est bien sûr le type du valet, glouton, lâche, servile, bête, bavard, et sympathique, mais sa fonction et sa caution morales sont équivoques. Il est à la fois le double et le négatif de Don Juan. Face à son maître impie, il réaffirme les valeurs ordinaires et la religion. Mais il les défend avec tant de sottise ou d’impertinence, qu’il paraît presque aussi scandaleux que Don Juan.

Ce Don Juan est le personnage central. Son attitude générale et ambiguë vis-à-vis des hommes, des femmes et de Dieu pose la question délicate du libertinage. Face aux femmes, le libertinage amoureux du héros apparaît très nettement : ses seuls principes sont le plaisir et l’inconstance, et son amour des femmes ressemble fort à de la misogynie, car elles sont pour lui un simple moyen de flatter sa vanité ou d’affirmer sa volonté de puissance. Face aux hommes, Don Juan se présente comme un mauvais fils, mauvais payeur, c’est un être immoral. Or il est malgré tout homme de valeur, courageux, dénonçant au contraire les soi-disant médecins, les hypocrites et les faux dévots en une virulente satire*. Et face au Ciel, son attitude impie et provocante donne à penser parfois qu’il est en fait en quête sinon de Dieu, du moins de l’absolu. Quoi qu’il en soit, sa vie est celle d’un pécheur impénitent qui force l’admiration, voire la sympathie.

3:Le mythe

Le Don Juan qui vit le jour sous la plume du dramaturge espagnol Tirso de Molina, fut maintes fois repris après Molière, donnant son nom à la pièce de Goldoni, à l’opéra de Mozart, à la nouvelle d’Hoffmann, au poème de Byron, inspirant encore Baudelaire, Pouchkine, Shaw, Brecht, Montherlant, et bien d’autres auteurs de par le monde. C’est véritablement un mythe littéraire, dépassant largement le simple fait du don juanisme, que les critiques ont tenté d’expliquer par l’histoire, la sociologie, l’anthropologie ou la psychanalyse. Ces interprétations, aussi nombreuses, ou presque, que les pièces où apparaît ce héros, témoignent de la fécondité du mythe de Don Juan.

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